Professeur Nikos K. LOGOTHETIS
Lauréat du Prix Louis-Jeantet de médecine 2003

Les informations ci-après se réfèrent à la date de la remise du Prix.

Nikos K. LOGOTHETIS est le directeur de l’Institut Max-Planck de Cybernétique biologique à Tübingen, dont il dirige également le Département de Physiologie des processus cognitifs. Nikos K. LOGOTHETIS est citoyen grec. Il est né en 1950.

L’information visuelle saisie par la rétine est transmise à une subdivision du thalamus dont les neurones réagissent à l’intensité lumineuse et à la couleur. De là, l’information se déplace vers le cortex visuel primaire, puis vers une série d’autres zones corticales pour atteindre finalement le cortex temporal inférieur. A chaque site, certains neurones réagissent sélectivement aux différents paramètres des stimuli visuels. Une des questions centrales est de comprendre quand et où un stimulus visuel pénètre notre conscient. Nikos K. LOGOTHETIS et ses collaborateurs s’efforcent de résoudre cette question en étudiant les fondements de la prise de conscience visuelle chez des singes entraînés. Ils ont pu montrer qu’une partie des neurones, situés tout au long du trajet de l’influx nerveux déclenché par la vision, sont responsables de la perception visuelle consciente. Dans ses travaux, Nikos K. LOGOTHETIS combine plusieurs techniques pour enregistrer simultanément l’activité cérébrale dans l’espace et dans le temps. Ceci a conduit à la découverte que les changements de l’oxygénation locale, communément mesurés dans les régions actives du cerveau par l’imagerie à résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), résultaient de signaux entrants et ne corrélaient pas avec le potentiel d’action associé aux signaux sortants.

Avec le Prix Louis-Jeantet de médecine, Nikos K. LOGOTHETIS se propose de combiner les techniques utilisées jusqu’ici avec des méthodes qui rendent compte de l’activité de neurones individuels. A cet effet, il projette de mettre au point de nouvelles sondes biochimiques qui détectent l’activité des neurones en temps réel. Nikos K. LOGOTHETIS envisage l’achat d’équipements essentiels à son projet.

Notice biographique

De nationalité grecque, Nikos Logothetis est né en 1950. Il a fait ses études de mathématiques à l’Université Kapostridia d’Athènes, puis de biologie à l’Université Aristote de Thessalonique. En 1985, il obtient le titre de docteur en biologie humaine de l’Université Ludwig-Maximilians de Munich. De 1985 à 1990, il a été associé de recherche et collaborateur du Massachusetts Institute of Technology à Cambridge, Etats-Unis. En 1990, il est nommé professeur associé au Baylor College of Medicine, à Houston, Etats-Unis, et, en 1994, professeur de la même université. Depuis 1992, il est professeur adjoint du Salk Institute, à San Diego, Etats-Unis, et, depuis 1995, professeur adjoint du Baylor College. En 1996, il est nommé professeur de neurosciences et directeur de l’Institut Max-Planck pour la Cybernétique biologique à Tübingen, où il dirige également le Département de physiologie des processus cognitifs. Nikos Logothetis a reçu le Prix DeBakey en 1994 et le Golden Brain Award de la Minerva Foundation en 1999.

Perception visuelle

La relation entre les processus mentaux et les activités cérébrales constitue un enjeu d’actualité pour la recherche dans le domaine des neurosciences. Ces dernières années, d’impressionnants progrès ont été faits vers une compréhension des activités neuronales pouvant être à l’origine du comportement conscient. La gamme des techniques utilisées pour étudier le cerveau va de l’imagerie détaillée du cerveau humain aux prises de mesure directes de l’activité des cellules du cerveau chez l’animal. Ces examens révèlent de quelle façon les différentes régions du cerveau sont impliquées dans des activités telles qu’observer un objet, le reconnaître, le garder en mémoire ou décider d’agir sur lui.

Les recherches menées dans le domaine de la vision ont progressé rapidement depuis la découverte que certains neurones dans le cortex visuel primaire (V1) réagissent de manière sélective aux différents angles présentés par un objet, ce qui a été établi comme un élément clé de la représentation des formes. On observe que les neurones de nombreuses régions du cerveau impliquées dans la vision en aval de V1, réagissent de manière sélective aux différents aspects des stimuli visuels essentiels à la formation de la perception, et qu’un certain nombre de neurones dans le cortex temporal inférieur (CTI) réagissent de préférence à des images d’objets entiers, tels que les visages. Le fait que la plupart de ces neurones réagissent encore avec la sélectivité qui les caractérise aux stimuli visuels chez des animaux anesthésiés et inconscients, soulève la question de savoir s’il n’existerait pas en plus des neurones actifs seulement lorsqu’un stimulus pénètre effectivement la conscience.

Nikos K. Logothetis et ses collègues concentrent leurs recherches sur cette question en étudiant la base neurale de la conscience visuelle chez le singe, dont le système visuel est très proche de celui de l’être humain. Ils utilisent un paradigme expérimental très élaboré pour entraîner les animaux à communiquer ce qu’ils perçoivent lorsqu’ils voient des images ambiguës. De telles images permettent de dissocier les réactions nerveuses sur lesquelles repose notre perception à n’importe quel moment, de celles qui forment la représentation sensorielle d’un schéma visuel. Le travail en laboratoire a mis en évidence que seul un petit nombre des neurones du cerveau semblent être responsables de la perception visuelle consciente. Bien que ces neurones soient concentrés dans les régions corticales où s’enclenchent les processus de traitement des informations, on les retrouve également tout au long du trajet de l’influx nerveux provoqué dans le cerveau par la vision. C’est donc probablement un large réseau de neurones hautement interconnectés qui permet à un individu de prendre conscience d’un stimulus.

Nikos K. Logothetis a révolutionné notre compréhension de ces activités synergiques distribuées dans le cerveau en développant une nouvelle combinaison de techniques. Afin d’élucider de façon précise la coopération spatiotemporelle entre les neurones et les opérations globales d’associations, les enregistrements opérés sur une cellule isolée, avec une excellente résolution spatiotemporelle, furent combinés avec la neuro-imagerie du cerveau chez le singe.

L’utilisation de l’imagerie à résonance magnétique (IRM) est très répandue dans la clinique; sa variante fonctionnelle, l’IRMf, trouve une application expérimentale croissante pour la réalisation d’images du cerveau au travail. Mais l’interprétation correcte de ces images n’est pas du tout triviale. En effet, ces images reflètent des changements localisés d’oxygénation, de flux et de volume sanguins plutôt que les activités nerveuses elles-mêmes. Comme la consommation locale d’oxygène et de glucose s’est avérée relativement tôt être liée aux fonctions cérébrales, on en a simplement déduit que le signal hémodynamique était directement proportionnel à l’activation nerveuse.

Au cours du développement de la technique de mesure combinée, Nikos K. Logothetis et ses collègues furent les premiers à appréhender de manière globale les relations effectives existant entre le signal IRMf et l’activité nerveuse sous-jacente. Leurs résultats ont montré que l’oxygénation locale du cerveau est étroitement liée à un seul type d’activité cérébrale : le  » potentiel du champ local  » résultant des signaux entrants, et qu’elle n’est associée que fortuitement au  » potentiel d’action  » provenant des signaux sortants. Ces résultats ont surpris les communautés scientifique et clinique, car ils signifient que le signal enregistré par ces techniques d’imagerie peut aussi émaner de régions du cerveau où les signaux sortants ou  » potentiel d’action  » sont absents. Il faut donc interpréter les résultats de l’IRMf avec une grande prudence.

Figure :
(A) L’information qui quitte les yeux traverse des étapes successives d’un système mental de traitement de données. Les images sont véhiculées depuis la rétine de chaque oeil d’abord vers une subdivision du thalamus (LGN), dont les neurones réagissent au changement local de luminosité ou de couleur. De là, l’information se dirige vers le cortex visuel primaire (V1) puis vers un certain nombre d’autres aires corticales (par exemple V4, V5), pour atteindre enfin le cortex temporal inférieur (CTI).

(B) Les neurones dans le cortex temporal inférieur (CTI) réagissent de manière sélective aux schémas complexes, tels que les objets animés.

(C) L’étude de l’observation de figures ambiguës montrant des renversements (a) d’objets, (b) de fonds de figure ou (c) de perspectives, peut révéler beaucoup sur la nature du système de perception. En effet, on constate que les changements de perception lors de l’observation de telles figures sont endogènes plutôt que le résultat de changements dans le stimulus lui-même.

Professeur Nikos K. LOGOTHETIS
Directeur
Dpt de physiologie des processus cognitifs
Institut Max-Planck de Cybernétique biologique
Spemannstrasse 38
D – 72076 TÜBINGEN

Tél.: +49 7071 601 651
Fax: +49 7071 601 660

E-mail: nikos.logothetis@tuebingen.mpg.de

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