Professeur Denis DUBOULE
Lauréat du Prix Louis-Jeantet de médecine 1998

Les informations ci-après se réfèrent à la date de la remise du Prix.

De nationalités suisse et française Denis DUBOULE est né à Genève en 1955.

Denis DUBOULE est un pionnier de l’analyse moléculaire du développement embryonnaire des vertébrés. Les recherches sur les gènes homéotiques qui contrôlent le développement de la mouche drosophile avaient suggéré l’existence de gènes apparentés chez les vertébrés. Les travaux de Denis DUBOULE et de Robb Krumlauf montrèrent que les gènes correspondants de la souris, les gènes Hox, ont une organisation similaire à ceux de la mouche. Denis DUBOULE démontra le rôle essentiel de ces gènes dans la formation des membres et des organes génitaux. De plus, il établit le principe de colinéarité qui régit l’organisation et l’expression de ces gènes dans l’espace et dans le temps, donnant ainsi un fondement conceptuel cohérent aux recherches actuelles sur le contrôle génétique de l’organogenèse, y compris l’exploration de l’origine des malformations congénitales chez l’être humain. C’est l’étiologie moléculaire de ces syndromes humains qu’explore actuellement Denis DUBOULE, ce qui implique aussi de poursuivre la dissection moléculaire des gènes Hox.

Le Prix Louis-Jeantet de médecine permettra à Denis DUBOULE d’améliorer la dotation en équipements de son laboratoire.

Travaux de recherche

Le développement embryonnaire est caractérisé par la définition précoce de différents axes, un peu à la manière des méridiens et des parallèles du globe terrestre. Chez les mammifères, après quelques jours, les polarités dorsoventrale et antéro-postérieure sont établies. Une fois l’axe antéro-postérieur (de la tête au coccyx) défini, il s’agit de donner aux différents segments de cet axe des identités précises de telle sorte que des structures variées puissent être produites à partir des différents niveaux. Par exemple, les vertèbres cervicales se différencient nettement des vertèbres thoraciques, entre autres par l’absence de côtes. Les gènes responsables de cette information différentielle, ou information de position, sont au nombre de 39 et constituent la famille des gènes Hox. Ces gènes codent pour des facteurs de transcription, c’est-à-dire des protéines responsables du contrôle de l’expression d’autres gènes. Si ces protéines Hox ne sont pas correctement exprimées, certaines structures se transformeront pour prendre l’aspect de structures plus postérieures ou plus antérieures. Par exemple, des vertèbres cervicales auront des côtes rudimentaires ou des vertèbres thoraciques auront perdu les leurs. Ces transformations  » homéotiques  » sont similaires à celles décrites chez les mouches. Il est donc important que ces gènes soient régulés de façon précise pendant le développement.

Cette régulation s’effectue grâce à un système génétique curieux et original. En effet, ces gènes sont groupés en quatre loci chromosomiques différents (HoxA à HoxD), et la position d’un gène au sein de son locus déterminera à la fois le moment et l’endroit où ce gène sera exprimé. Alors qu’à une des extrémités d’un locus, les gènes sont exprimés précocement et dans la partie antérieure, les gènes de l’autre extrémité sont tardifs et postérieurs. Ces complexes de gènes Hox représentent donc des images génétiques, à la fois de notre polarité antéro-postérieure et du temps nécessaire à sa réalisation, une propriété unique connue sous le nom de  » colinéarité « . C’est en collaboration avec Steve Gaunt que Denis Duboule a montré l’existence de ce mécanisme chez les vertébrés, étendant ainsi l’observation faite par Ed Lewis chez la Drosophile à l’ensemble des animaux supérieurs. Puis, en parallèle avec Robb Krumlauf, il montra que cette famille de gènes était structurellement et fonctionnellement conservée entre les invertébrés et les vertébrés, une observation à l’origine de notre conception actuelle de la conservation des mécanismes de développement chez les animaux.

Une fois mis au point, ce mécanisme de colinéarité fut utilisé à maintes reprises par l’évolution, chaque fois qu’une nouvelle structure axiale apparaissait et qu’elle nécessitait une détermination différentielle. L’exemple le plus frappant est celui des bras et des jambes puisque ces structures, pour être utiles, demandent une construction différente dans leurs parties proximales, par exemple les cuisses, et distales, par exemple les pieds. Les travaux de Denis Duboule ont montré que les gènes responsables de ces différences dans les membres sont les mêmes que ceux impliqués dans l’axe principal, celui de la colonne vertébrale. De même, notre  » axe  » génito-urinaire est-il organisé par des informations de position données par des gènes identiques. Cette uniformité dans nos principes de construction est illustrée de façon remarquable par l’existence, chez les humains, de syndromes génétiques familiaux impliquant deux de ces gènes Hox : Hoxd-13 et Hoxa-13. Des mutations dans ces gènes sont en effet responsables des syndromes de synpolydactylie (type II syndactyly) et du  » hand-foot-genital (HFG) syndrome « . Dans les deux cas, les patients sont atteints de malformations affectant à la fois les extrémités des bras et des jambes, ainsi que l’appareil génital externe. C’est en utilisant les technologies de la génétique expérimentale de la souris que l’équipe de Denis Duboule a pu analyser les mécanismes impliqués dans ces maladies génétiques et par là même, déboucher sur une compréhension de l’étiologie et de la pathogenèse moléculaire de ces syndromes.

Actuellement, le thème central de recherche du laboratoire de Denis Duboule est la compréhension du mécanisme de colinéarité. Malgré des années de recherche par plusieurs équipes, la question du fonctionnement moléculaire de ce processus reste une des énigmes les plus troublantes de la biologie du développement. Il n’est pas impossible que ces études débouchent sur de nouveaux concepts éclairant la régulation de l’expression des gènes à un niveau global et fassent ainsi avancer notre compréhension des relations entre la structure de notre matériel génétique et son fonctionnement. En outre, l’élucidation de ces mécanismes permettra de comprendre les anomalies qui les affectent dans les maladies génétiques, ainsi que leur mise en place au cours de l’évolution.

Les gènes qui contrôlent le développement embryonnaire sont très semblables chez les mouches et chez les mammifères. Cependant, là où un seul groupe de gènes est impliqué chez la mouche, il y a quatre groupes de gènes chez les mammifères. De plus, l’organisation de ces gènes sur les chromosomes reflète la manière dont ils sont exprimés dans l’espace et dans le temps.

Professeur Denis DUBOULE
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Mis à jour 2011