Professeur Walter KELLER
Lauréat du Prix Louis-Jeantet de médecine 1998

Les informations ci-après se réfèrent à la date de la remise du Prix.

De nationalité allemande, né en 1938, Walter KELLER est professeur à l’Université de Bâle, au Département de biologie cellulaire du Biocentre.

Les travaux de Walter KELLER portent sur les aspects biochimiques de l’expression des gènes, en particulier les modifications subies par l’ARN messager et ses précurseurs dans la cellule. Les investigations biochimiques de Walter KELLER ont apporté une contribution décisive à l’élucidation du mécanisme d’épissage par lequel les introns sont éliminés de la molécule d’ARN messager résultant de la transcription des gènes. De plus, il a identifié les composants nécessaires au clivage et à la polyadénylation de l’ARN messager, processus jusque-là mal connu mais pourtant nécessaire au transport de l’ARN messager hors du noyau et à sa traduction en protéines dans le cytoplasme de la cellule.

Les recherches actuelles de Walter KELLER portent également sur le phénomène appelé  » édition  » de l’ARN messager, c’est-à-dire la modification secondaire du message, qui survient parfois sous l’effet de certains enzymes que Walter KELLER a contribué à identifier. Ce processus intervient notamment dans la synthèse de certains récepteurs du système nerveux et représente un mécanisme remarquable de modification de l’expression des gènes, dont la fréquence et les conséquences biologiques restent à élucider.

Le Prix Louis-Jeantet de médecine permettra à Walter KELLER d’augmenter son équipe de recherche de deux collaborateurs.

Travaux de recherche

Chacune des cellules d’un organisme eucaryote (ce qui va de la levure à l’être humain) contient dans son noyau la totalité du patrimoine génétique sous forme d’ADN. Chaque gène est un segment d’ADN qui contient l’information nécessaire pour spécifier la structure d’une protéine donnée. Le transfert d’information du gène vers la protéine se fait en deux étapes appelées respectivement transcription et traduction. Au cours de la première étape, les gènes dont l’expression est nécessaire à la cellule sont transcrits, c’est-à-dire que leur information est recopiée sous forme d’une molécule d’ARN messager (mRNA). L’ARN messager quitte alors le noyau de la cellule vers le cytoplasme, où a lieu la traduction, c’est-à-dire la synthèse de la protéine dont la structure est spécifiée par l’ARN messager.

Revenons au noyau et à la transcription : en toute rigueur, le produit initial de la transcription n’est pas l’ARN messager lui-même, mais un  » transcrit primaire «  appelé aussi  » pré-messager  » (pre-mRNA), qui subit certaines modifications chimiques avant de devenir l’ARN messager proprement dit. Ce sont ces modifications que l’on rassemble sous le terme de  » processing «  et qui ont été élucidées par Walter Keller. Le schéma suivant résume l’ensemble de ces étapes.

Le processing du pré-messager comprend des modifications chimiques aux deux extrémités de cette molécule, mais aussi l’élimination des introns, c’est-à-dire des séquences dépourvues d’information génétique présentes dans le transcrit primaire. De plus, dans certains cas plutôt exceptionnels, le message génétique lui-même est modifié par un processus appelé édition d’ARN, dans lequel certaines  » lettres  » de l’ARN messager sont changées.

Les modifications du bout 3′ de l’ARN messager1 sont les plus complexes et ont été reconstituées par des expériences biochimiques de Walter Keller et son équipe. Le résultat de ces modifications est l’addition d’une courte séquence appelée poly(A), car elle est constituée de la simple répétition de la  » lettre  » A (adénine). Cette extension de poly(A) joue un rôle essentiel dans la traduction de l’ARN messager, c’est-à-dire dans la synthèse de la protéine correspondante.

Les étapes du processing sont résumées dans la figure ci-après. La première étape consiste dans l’assemblage d’un complexe de polyadénylation où sont impliquées certaines séquences d’ARN de la région 3′ de l’ARN messager, ainsi que des protéines spécifiques (CPSF, CstF, CF I et CF II, poly(A)-polymérase et enfin PAB II) qui ont chacune un rôle bien précis à jouer. Les protéines CPSF et CstF reconnaissent deux sites caractéristiques de l’extrémité 3′. Ce marquage de la région 3′ permet aux protéines CF I et CF II de couper l’extrémité 3′ de l’ARN. La protéine CPSF et la poly(A)-polymérase ajoutent alors une première séquence d’une dizaine de résidus adénine (lettre A). Cette courte séquence sert d’amorce à la synthèse du poly(A) complet (environ 250  » A « ), qui nécessite l’action d’une  » poly(A) binding protein II  » (PAB II).

En collaboration avec Peter Seeburg (Heidelberg), Walter Keller a également analysé le mécanisme de l’édition d’ARN, un phénomène qui concerne l’ARN messager de certains gènes particuliers. C’est le cas du récepteur au glutamate présent dans notre cerveau, où il intervient dans la communication entre certains neurones. Le transcrit primaire de ce gène est modifié par édition d’ARN c’est-à-dire que certaines adénines (A) sont changées en inosine (I), ce qui modifie ponctuellement la séquence de la protéine et, en conséquence, les propriétés électriques du récepteur. La signification neurophysiologique de ce mécanisme est aujourd’hui l’objet d’intenses recherches.

Les travaux de Walter Keller ont permis de comprendre à fond le mécanisme du transfert d’information de gènes vers les protéines. Ils illustrent par ailleurs, à l’âge de la génétique moléculaire, la pertinence toujours actuelle de la méthode biochimique, qui consiste à analyser un mécanisme moléculaire en isolant ses composants, puis en reconstituant son fonctionnement in vitro.

1 La désignation des deux extrémités de l’ARN messager fait référence à la structure chimique de cette molécule. Notons simplement que le message contenu dans la molécule d’ARN est « lu » en commençant par le bout 5′ et en finissant par le bout 3′.

Prof. Walter Keller
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