Professeur Hans CLEVERS
Lauréat du Prix Louis-Jeantet de médecine 2004

Les informations ci-après se réfèrent à la date de la remise du Prix.

Citoyen néerlandais, né en 1957, Hans CLEVERS est professeur de génétique moléculaire au Centre académique biomédical de l’Université d’Utrecht et directeur du Laboratoire Hubrecht à l’Institut néerlandais de biologie du développement de l’Académie royale néerlandaise des arts et des sciences à Utrecht.

Pendant le développement d’un animal et des différents tissus qui le composent, toute cellule reçoit continuellement des messages de cellules voisines lui donnant des instructions pour sa croissance et sa spécialisation. Ces messages sont envoyés, soit du voisinage immédiat soit à distance, sous forme de facteurs solubles sécrétés par une cellule. Seules les cellules ayant des récepteurs appropriés réagissent à ces messages en transmettant un signal à travers leur cytoplasme vers leur noyau, avec pour résultat de modifier leur programme génétique. La question au centre du travail de Hans CLEVERS est de comprendre comment le signal est transmis et comment il influence le devenir de la cellule qui y répond. Il a découvert à propos d’un signal nommé Wnt que ce dernier induit l’accumulation dans le noyau d’une protéine, connue sous le nom de b-caténine, qui s’associe avec des facteurs de transcription de la famille appelée Tcf et en conséquence active certains gènes. En élargissant son étude aux cellules du cancer du colon, Hans CLEVERS a constaté la présence d’une quantité excessive de complexes b-caténine/Tcf-4, ce qui provoque une croissance non contenue des cellules et concourt au développement du cancer. Il est par la suite devenu également évident que la voie de signalisation du facteur Wnt joue un rôle majeur dans le renouvellement contrôlé du tissu intestinal normal.

Avec les moyens mis à disposition par le Prix Louis-Jeantet de médecine, Hans CLEVERS se propose d’étudier les défauts moléculaires dans les voies de signalisation, qui provoquent la polypose juvénile. Les patients souffrant de cette maladie développent des polypes intestinaux et un cancer à un jeune âge. Il postule que l’épithélium intestinal ne reçoit pas de façon correcte les messages de son environnement et induit de ce fait un nombre accru de cryptes intestinales, ce qui entraîne la prolifération des tissus. Hans CLEVERS prévoit d’agrandir son équipe par l’engagement de deux nouveaux collaborateurs.

Notice biographique

De nationalité néerlandaise, Hans Clevers est né en 1957. Il a étudié la médecine et la biologie à l’Université d’Utrecht, où il obtient un doctorat de médecine en 1984, puis un doctorat en immunologie en 1985. De 1985 à 1989, il s’est rendu dans le laboratoire de Cox Terhorst au Dana Farber Cancer Institute de la Harvard Medical School de Boston, Etats-Unis. En 1989, il revient à l’Institut d’immunologie clinique de l’Université d’Utrecht, où il est nommé professeur et dont il devient le directeur en 1991. En 2002, il est nommé directeur du Laboratoire Hubrecht à l’Institut néerlandais de biologie du développement de l’Académie royale néerlandaise des arts et des sciences à Utrecht. Depuis 2002, Hans Clevers est également professeur de génétique moléculaire au Centre académique biomédical de l’Université d’Utrecht. Il est membre de l’EMBO depuis 1999 et membre de l’Académie royale néerlandaise des arts et des sciences depuis 2000. Hans Clevers a été honoré en 2000 par le Prix Catharijne pour les sciences médicales et, en 2001, par le Prix de la Société européenne d’investigations cliniques ainsi que par le Prix Spinoza.

Développement intestinal et cancer

Le développement de l’oocyte fertilisé en un animal ou en un être humain nécessite le déroulement d’une multitude d’événements biologiques. Pendant la dernière décennie, les biologistes du développement, qui étudient des organismes aussi divers que le ver, la mouche de vinaigre, le poisson zèbre ou la souris, ont découvert deux principes fondamentaux. Premièrement, les cellules individuelles d’un organisme en développement ne suivent pas un parcours indépendant vers leur destin final. Elles sont continuellement en communication avec d’autres cellules, proches ou lointaines, qui les guident au fur et à mesure. Afin de communiquer des messages, les cellules produisent et sécrètent des molécules solubles de signalisation (Wnt), qui peuvent être captées par les cellules voisines munies de récepteurs spécifiques. Deuxièmement, le langage chimique que les cellules utilisent pour communiquer entre elles pendant le développement est très semblable à travers tout le règne animal. L’évolution n’a créé qu’un petit nombre de voies de signalisation. Ces voies sont utilisées à de multiples reprises pendant le développement d’un organisme avec seulement quelques permutations. Des organismes distincts peuvent utiliser la même voie de signalisation pour obtenir des résultats très différents. Ainsi, le même message peut induire une aile chez la mouche et aider à former un cœur qui bat chez la souris. Grâce à ce principe de conservation, il est possible d’utiliser les résultats de l’étude d’un processus ésotérique du développement chez le ver pour faire des prédictions sur la pathologie moléculaire d’une maladie humaine.

L’étude génétique d’organismes de référence a contribué à découvrir les voies de signalisation et les gènes qui les composent. Une des voies de signalisation les plus connues et les plus étudiées par les biologistes du développement est celle de la « cascade de Wnt ». La sécrétion des facteurs Wnt, par certaines cellules pour envoyer un message, provoque une cascade d’événements biochimiques dans les cellules qui captent le signal, entraînant l’accumulation dans le noyau de ces cellules d’une protéine connue sous le nom de b-caténine. Au milieu des années 90, on ne comprenait pas comment la b-caténine, une fois accumulée dans le noyau, pouvait reprogrammer une cellule.

Hans Clevers a élucidé la nature moléculaire de la majorité des facteurs de transcription Tcf/Lef connus à ce jour chez la mouche, le crapaud et les mammifères. En 1996, avec d’autres chercheurs, il fait la découverte fondamentale que ces facteurs de transcription sont le dernier maillon de la chaîne des événements biochimiques induits par le signal de Wnt. Les protéines Tcf peuvent se lier à la b-caténine lorsque celle-ci s’accumule dans le noyau en réponse au signal envoyé par Wnt, et c’est le complexe formé de ces deux protéines qui active de nouveaux gènes, modifiant ainsi profondément le destin de la cellule qui a reçu le message de Wnt.

La découverte du mécanisme d’interaction entre le Tcf et la b-caténine a permis de formuler d’importantes hypothèses sur l’étiologie du cancer du colon. On savait déjà que des mutations dans le gène d’APC (Adenomatous Polyposis Coli) peuvent prédisposer des familles au cancer du colon. Dans des circonstances normales, le produit du gène APC se lie à la b-caténine et l’inactive. Hans Clevers a montré que le facteur de transcription Tcf-4 forme un complexe stable avec la b-caténine qui se trouve en trop grande quantité dans les cellules cancéreuses du colon et que la reprogrammation inappropriée de ces cellules par le complexe formé de la b-caténine et du Tcf-4 entraîne la prolifération illimitée de celles-ci. C’est ainsi que la b-caténine et le Tcf furent clairement identifiés comment agents du cancer du colon, et par la suite du cancer de nombreux autres organes. Cette découverte permet d’envisager de nouvelles stratégies dans le développement de médicaments anticancéreux. Il s’est avéré par la suite que la cascade d’événements biochimiques déclenchée par le signal de Wnt, lorsqu’elle se déroule normalement, joue un rôle central dans le maintien de l’équilibre physiologique entre la perte des « vieilles » cellules et la formation des « jeunes » cellules, lors du renouvellement des tissus internes de l’intestin (voir figure). Hans Clevers et ses collègues ont approfondi leur étude des divers aspects du rôle de la voie de signalisation de Wnt, à la fois dans le processus du développement et dans celui du cancer, en comparant des tissus de malades avec ceux de différents modèles animaux, tels que la souris, le crapaud, la mouche, le ver et, plus récemment, le poisson zèbre.


Figure 1: L’intérieur de l’intestin est recouvert d’une seule couche de cellules. De nouvelles cellules sont produites dans un compartiment spécifique appelé crypte, qui comprend les cellules souches. La prolifération des cellules dans la crypte est activée par le signal de Wnt. Quand les cellules quittent la crypte et migrent vers le villus, elles deviennent matures et actives dans la digestion et l’absorption de la nourriture. Après quelques jours, les cellules atteignent la pointe du villus, meurent et sont remplacées par de jeunes cellules. Des mutations dans des composants de la voie de signalisation de Wnt perturbent l’équilibre fragile existant entre la prolifération et la mort des cellules, ce qui finit par provoquer un cancer de l’intestin. 

Professeur Hans CLEVERS
Directeur
Hubrecht Laboratory
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