Professeur Svante PÄÄBO
Lauréat du Prix Louis-Jeantet de médecine 2005

Les informations ci-après se réfèrent à la date de la remise du Prix.

Citoyen suédois, né en 1955, Svante PÄÄBO est professeur honoraire de génétique et de biologie de l’évolution. Il est directeur de l’Institut Max-Planck d’Anthropologie Evolutionnaire à Leipzig.

Svante PÄÄBO est un pionnier de l’étude des ADN anciens. Il a développé des techniques qui permettent d’isoler l’ADN de spécimens de musée et de restes archéologiques et a introduit des contrôles qui sont devenus la référence dans ce domaine. Plus récemment, il s’est focalisé sur des études comparatives de l’évolution du génome des primates. Son travail vise à découvrir quels changements génétiques spécifiques ont eu lieu dans l’évolution humaine récente, quand notre espèce a acquis des traits phénotypiques qui nous distinguent clairement de nos cousins les plus proches, les chimpanzés. En comparant le génome humain, ainsi que son expression fonctionnelle, à celui des autres primates, il est devenu possible d’identifier les changements qui se sont fixés dans ce génome par sélection positive et qui pourraient avoir donné un avantage à nos ancêtres humains. Comprendre la génétique de ces traits spécifiques non seulement élargira nos connaissances fondamentales de l’évolution et de la biologie humaine, mais pourra également contribuer à mieux connaître les causes des maladies qui affectent des facultés spécifiquement humaines, telles que, par exemple, le langage ou les facultés cognitives.

Avec les moyens mis à disposition par le Prix Louis-Jeantet de médecine, Svante PÄÄBO projette d’étudier la fonction de gènes qui se révèlent différents entre l’être humain et les singes et pour lesquels il existe des indices de sélection positive lors de l’évolution humaine. Un de ces gènes, FOXP2, est impliqué dans le développement du langage et de la phonation. Afin d’étudier la fonction de ce gène le lauréat projette de produire des souris transgéniques qui auront soit le gène humain soit celui du chimpanzé. Svante PÄÄBO prévoit d’agrandir son équipe par l’engagement de deux nouveaux collaborateurs.

Notice biographique

Svante Pääbo a fait des études d’égyptologie, d’histoire des sciences et de médicine à l’Université d’Uppsala. C’est à Uppsala qu’il a reçu, en 1986, son doctorat en sciences médicales. Après des stages comme postdoctorant à l’Université de Zürich et à l’Université de Californie à Berkeley, il a été nommé professeur ordinaire de biologie générale à l’Université de Munich en 1990. Il dirige aujourd’hui l’lnstitut Max-Planck d’Anthropologie Evolutionnaire à Leipzig. Il est professeur honoraire de génétique et de biologie de l’évolution à l’Université de Leipzig, ainsi que professeur invité de génomique comparative à l’Université d’Uppsala. Svante Pääbo est membre de plusieurs académies dont l’Académie Royale des Sciences de Suède, la National Academy of Sciences des Etats-Unis et la Leopoldina. Il est, par ailleurs, Docteur honoris causa des Universités de Zurich et d’ Helsinki.

La Génétique de l’Humain

Les recherches menées par Svante Pääbo ont pour but de mieux comprendre l’histoire de l’évolution humaine par des analyses génétiques. Il utilise diverses approches, parmi lesquelles beaucoup ont été développées grâce à ses contributions personnelles. Il a été en partie aidé en cela par l’éventail inhabituel des domaines qu’il a étudiés pendant sa formation. Lors de la préparation d’une thèse en génétique médicale, au début des années 80, il a commencé à combiner ces domaines et à utiliser les nouvelles techniques de l’époque pour cloner l’ADN de momies égyptiennes anciennes. Conjointement avec Allan Wilson (de l’Université de Berkeley), qui poursuivait des buts semblables, il a fondé le domaine de l’archéologie moléculaire, c’est-à-dire l’étude de l’ADN de vestiges archéologiques et paléontologiques. Depuis lors, il a été à l’origine de presque toutes les techniques qui sont actuellement utilisées pour isoler et étudier l’ADN ancien. Ce n’est pas une tâche facile, car cet ADN est hautement dégradé et modifié par des processus d’hydrolyse et d’oxydation, qui peuvent produire des artefacts lors de son isolation par la réplication. De plus, les tissus anciens contiennent souvent de l’ADN récent, ce qui fausse l’analyse. Les méthodes et les contrôles introduits par Svante Pääbo représentent aujourd’hui les standards internationaux dans ce domaine. Ils ont été utilisés pour étudier la génétique d’animaux disparus depuis longtemps, tels que le mammouth, le paresseux géant ou l’ours des cavernes. Les techniques d’analyse d’ADN ancien ont également été mises en application pour des spécimens biologiques de collections de musées, ainsi que des investigations en médecine légale.

Un des points forts de ce travail a été l’isolation par Svante Pääbo de séquences d’ADN de l’Homme de Neandertal et la mise en évidence que ce dernier n’a que peu contribué par la transmission d’ADN mitochondrial au bagage génétique des êtres humains contemporains. L’Homme de Neandertal partage plutôt avec l’Homme d’aujourd’hui un ancêtre de l’ADN mitochondrial qui date de plus de 500’000 ans. Ces résultats ont été parfois surinterprétés jusqu’à exclure toute possibilité d’une contribution de l’Homme de Neandertal au patrimoine génétique de l’Homme moderne. Or, Svante Pääbo a souligné qu’il convenait d’adopter une interprétation plus nuancée mettant ces résultats dans un contexte de génétique des populations. Récemment, Svante Pääbo et ses collègues ont analysé plusieurs spécimens de l’Homme de Neandertal et démontré, en utilisant un modèle de génétique des populations, que si la contribution de ce dernier au patrimoine génétique de l’Homme moderne est faible, elle pourrait néanmoins aller jusqu’à 25% tout au plus (Figure 1).


Figure 1: L’Homme de Neandertal a disparu il y a environ 30’000 ans. Les séquences d’ADN mitochondrial récupérées des os de l’Homme de Neandertal ont été comparées aux séquences d’ADN mitochondrial de l’Homme contemporain. Les résultats indiquent que la contribution de l’Homme de Neandertal au patrimoine génétique de l’Homme moderne a été probablement très faible et n’a pu dépasser 25%. 

Svante Pääbo est également à l’origine des comparaisons du génome de l’Homme contemporain avec celui des grands singes. Cette approche a pour but de révéler en quoi l’être humain est unique. Les études de Svante Pääbo sur les variations génétiques entre les êtres humains et les singes, permettent de conclure que les humains diffèrent des grands singes par une plus faible variabilité dans leur génome nucléaire. Svante Pääbo a initié une approche fonctionnelle de l’évolution humaine qui analyse le génome en comparant l’activité des gènes chez l’être humain et chez les singes. Il a trouvé que si le génome de l’humain et du chimpanzé ne diffère que de 1.2%, à peu près 10% des gènes montrent une différence significative de leur expression entre les deux espèces. Il a récemment émis l’hypothèse que la plupart de ces changements n’ont que peu de conséquences au niveau fonctionnel et qu’ils peuvent être utilisés pour identifier, avec une certaine fiabilité statistique, les quelques gènes qui ont subi une sélection positive permettant l’apparition de nouvelles fonctions d’une importance cruciale dans l’évolution humaine. Il a également démontré que les changements d’expression ainsi que les mutations d’acides aminés ont été plus fréquents dans l’évolution de la lignée humaine que dans celle du chimpanzé parmi les gènes qui sont exprimés dans le cerveau, mais pas parmi ceux qui sont exprimés dans quatre autres organes étudiés. Cette approche ouvre la voie à l’identification de changements dans des gènes qui ont peut-être été cruciaux pour l’apparition de facultés cognitives uniques à l’être humain. Ceci deviendra peut-être également important à l’avenir pour la compréhension de maladies qui n’affectent que des traits uniques à l’être humain et pour lesquelles il sera impossible d’étudier un modèle animal.

Un exemple d’un tel changement génétique a été identifié par Svante Pääbo dans le gène FOXP2, qui dès lors qu’il est détruit par des mutations cause de sévères problèmes de langage et de locution. Il a démontré que ce gène a subi deux mutations d’acides aminés dans la lignée humaine et que l’arrangement des polymorphismes autour de ces changements d’acides aminés indique qu’ils étaient la cible d’une forte sélection positive pendant l’évolution humaine (Figure 2).


Figure 2: Chez l’être humain, le gène FOXP2 est nécessaire au langage. La comparaison de sa séquence avec celles d’autres primates indique une évolution rapide représentée dans la lignée humaine par deux changements d’acides aminés et de séquences environnantes. Ces changements ont été retenus dans la population humaine à une époque qui serait compatible avec l’apparition du langage articulé. 

En datant le moment de cette pression sélective, Svante Pääbo a trouvé que ce gène a probablement réussi à se fixer dans la population humaine il y a environ 250’000 ans, c’est dire bien plus tard que la dérive entre l’Homme moderne et l’Homme de Neandertal. Ceci suggère que le langage articulé était un trait qui distinguait l’Homme moderne de l’Homme archaïque. Dans son travail actuel, Svante Pääbo essaie d’identifier les facultés qui ont été apportées à nos ancêtres humains par ce gène ainsi que par d’autres.

Professeur Svante Pääbo
Professor of Genetics and Evolutionary Biology
Director MPI-EVA
Max-Planck-Institute for Evolutionary Anthropology
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