Ghislaine Dehaene-Lambertz : Et si on posait notre téléphone pour parler à notre bébé ?

Ghislaine Dehaene-Lambertz
Directrice de recherche au CNRS et NeuroSpin, Université Paris-Saclay, CEA
Modération
Pr Denis Duboule, Collège de France.
Résumé
Bien avant de prononcer leurs premiers mots, les bébés sont déjà à l’écoute du monde qui les entoure. Grâce aux avancées récentes en imagerie cérébrale, nous pouvons désormais observer comment leur cerveau, encore en pleine construction, traite les sons du langage, extrait des régularités et transforme les stimuli auditifs en représentations symboliques avec une étonnante précision.
Cet apprentissage, bien que guidé par des circuits neuronaux spécialisés, est profondément influencé par l’environnement : la richesse des échanges, la qualité du langage entendu, mais aussi les facteurs nutritionnels ou toxiques. Le cerveau infantile traverse des périodes sensibles où il se montre particulièrement réceptif — ou vulnérable.
Lors de cette conférence, la Professeure Dehaene-Lambertz explorera comment le cerveau des nourrissons se prépare à acquérir une langue, quelles ressources computationnelles il mobilise, et pourquoi les interactions précoces — celles qui nécessitent que nous posions notre téléphone pour parler vraiment à notre bébé — sont si essentielles. Car ce sont ces premiers échanges, qui attirent l’attention de l’enfant sur les qualités du monde qui l’entoure, qui lui permettent non seulement d’apprendre sa langue maternelle, mais aussi de comprendre que le langage est un outil puissant de transmission d’information et de lien social.
Biographie
Ghislaine Dehaene-Lambertz est pédiatre et directrice de recherche au CNRS. Elle dirige l’Institut du Cerveau de l’Enfant à l’hôpital Robert Debré (Paris, Institut Robert-Debré du Cerveau de l’Enfant) ainsi que le laboratoire d’imagerie cérébrale du développement à NeuroSpin (Université Paris-Saclay, CEA). Ses recherches portent sur le développement des fonctions cognitives chez le nourrisson et l’enfant, à l’aide de techniques d’imagerie cérébrale non invasives comme l’IRM et l’EEG haute densité. Elle étudie deux périodes clés : la naissance, pour comprendre comment l’organisation cérébrale initiale permet l’émergence de fonctions complexes comme le langage, et l’entrée à l’école, où l’apprentissage de la lecture ou des mathématiques s’insère dans un cerveau déjà structuré. Ses travaux ont révélé que l’organisation cérébrale humaine, visible dès la fin de la grossesse, favorise l’émergence du langage, et que l’enfant joue un rôle actif dans son propre apprentissage. Elle s’intéresse également à la manière dont l’éducation scolaire transforme cette architecture cérébrale initiale pour développer de nouvelles compétences.
Ghislaine Dehaene-Lambertz est l’auteure de plusieurs ouvrages, dont La plus belle histoire du langage (Seuil, avec L. Sagart, P. Picq et C. Lestienne), et Les troubles dys avant 7 ans, un guide à destination des médecins généralistes. Lauréate de nombreux prix scientifiques nationaux et internationaux (Prix Justine et Yves Sergent 2013, Grand Prix Scientifique de la Fondation de France 2015, et NRJ-Institut de France, 2016, Médaille d’argent du CNRS 2018), elle a été élue membre étranger de la National Academy of Sciences (États-Unis) en 2022. Les ressources de son laboratoire sont disponibles sur https://moncerveaualecole.com/.