Professeure Fiona POWRIE
Lauréate du Prix Louis-Jeantet de médecine 2012

Les informations ci-après se réfèrent à la date de la remise du Prix.

Citoyenne britannique, Fiona POWRIE est née en 1963 à Luton (Angleterre). Elle a étudié la biochimie à l’Université de Bath, puis fait un doctorat en immunologie au Laboratoire de Don Mason à Oxford. Après une formation postdoctorale aux Etats-Unis avec le Dr Robert Coffman, elle est revenue à Oxford en 1996 où, grâce à une bourse de recherche du Wellcome Trust, elle a créé son propre laboratoire. En 2009, elle a été nommée titulaire de la chaire Sidney Truelove de gastroentérologie nouvellement créée à l’Université d’Oxford. Elle est aussi cheffe de la Division de médecine expérimentale du Département Nuffield de médecine à l’Hôpital John Radcliffe, Université d’Oxford.
Fiona POWRIE est membre de la Royal Society depuis 2011. Elle a déjà reçu de nombreuses distinctions, notamment, en 2009, le Prix Ita Askonas décerné par la Fédération européenne des sociétés d’immunologie (EFIS) et le Journal européen d’immunologie (EJI), qui récompense une femme leader en immunologie.

Le système immunitaire et la flore intestinale

L’appareil digestif représente, selon la Fiona POWRIE, un «véritable Far West» pour le système immunitaire. Celui-ci doit en effet lutter contre les micro-organismes pathogènes, tout en préservant les très nombreuses bactéries bénéfiques qu’abrite notre intestin. Entre le système de défense immunitaire et la flore intestinale s’établit donc un équilibre fragile qui, lorsqu’il est rompu, conduit à l’apparition de maladies inflammatoires intestinales.
Fiona POWRIE a identifié une population particulière de cellules T régulatrices (Treg) qui contrôle la réponse immune dans l’intestin et empêche ainsi notre système de défense de s’attaquer aux bactéries utiles. Elle a d’ailleurs montré qu’une déficience de ces cellules Treg pouvait conduire à des inflammations intestinales chroniques. Elle a aussi mis en évidence l’existence d’un équilibre délicat entre deux types de cellules T, les unes provoquant l’inflammation, les autres pouvant au contraire la supprimer. Ses travaux ouvrent ainsi de nouvelles pistes pour le traitement de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

Le système immunitaire dans le Far West intestinal

Notre tube digestif abrite une flore bactérienne variée et abondante. Chez un adulte, l’estomac et les intestins renferment des milliers de milliards de bactéries – un nombre environ 10 fois plus grand que celui de nos propres cellules – pouvant appartenir à un millier d’espèces différentes. Cette flore commensale est indispensable au fonctionnement de l’organisme, puisque c’est elle qui dégrade les nombreuses substances que nous avons ingérées.

Pour le système immunitaire, cette population bactérienne représente «un véritable Far West», comme le dit Fiona Powrie. Le système immunitaire doit en effet lutter contre les micro-organismes pathogènes, tout en préservant les bactéries bénéfiques de la flore commensale. Entre le système de défense immunitaire et la flore intestinale s’établit donc un équilibre fragile qui, lorsqu’il est rompu, conduit à l’apparition de maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI), comme la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique.

Les cellules T régulatrices contrôlent le système immunitaire

Fiona Powrie et ses collègues ont utilisé des souris souffrant d’inflammation intestinale chronique, afin d’étudier les mécanismes responsables de l’apparition des MICI. Cela leur a permis de comprendre qu’il existait, dans l’intestin, un équilibre délicat entre deux types de cellules T. Les cellules T effectrices, qui induisent un processus inflammatoire, et les cellules T régulatrices (Treg), qui au contraire, peuvent supprimer ce processus.

Les cellules Treg appartiennent à une population spécifique de cellules T qui contrôlent le système immunitaire. Ce sont elles, notamment, qui l’empêchent de s’attaquer à nos tissus ou à des antigènes inoffensifs provenant de l’environnement et qui se retrouvent à la surface de notre corps. Pour se développer et fonctionner ces cellules T régulatrices ont besoin du facteur de transcription FOXP3, et les êtres humains qui présentent des mutations sur ce facteur développent un syndrome inflammatoire sévère et potentiellement mortel.

Pour réguler la réponse immune, ces cellules Treg utilisent une multitude de mécanismes différents qui dépendent en partie du type de réponse immunitaire qu’elles contrôlent. Très abondantes dans l’intestin, elles produisent une grande quantité de cytokines (interleukine IL-10) qui sont nécessaires à leur fonctionnement. Des études récentes l’ont d’ailleurs confirmé en montrant que des mutations dans l’un des composants du récepteur de IL-10 (IL-10RA) pouvaient conduire à une MICI agressive chez les enfants.

Les cellules Treg ayant des propriétés immunosuppressives, il parait intéressant de traiter les maladies inflammatoires chroniques en stimulant leur action. Dans ce domaine, le système intestinal offre des pistes utiles pour savoir comment procéder. Les recherches de l’équipe de Fiona Powrie et d’autres laboratoires ont en effet révélé que l’intestin était un site préférentiel pour le développement des cellules T régulatrices. Des cellules dendritiques spécialisées de l’intestin peuvent conduire à la formation d’antigènes spécifiques aux cellules Treg. Des études récentes suggèrent aussi que les bactéries intestinales elles-mêmes peuvent induire la formation de ces cellules Treg et promouvoir la production de IL-10. Il est donc probable que certaines bactéries intestinales favorisent la voie Treg/IL-10 et assurent ainsi une coexistence pacifique au sein de l’organisme hôte.

Les cellules du tissu intestinal, qui incluent les cellules épithéliales (recouvrant l’intérieur du tube digestif) et stromales (cellules du tissu conjonctif), mais aussi les cellules du système immunitaire (comme les macrophages et les cellules dendritiques), possèdent toutes une série de récepteurs qui leur permettent de détecter et de répondre aux bactéries, ce qui permet in fine de maintenir l’intestin en bonne santé. En revanche, dans les maladies inflammatoires de l’intestin, l’activité bénéfique des bactéries commensales est perturbée et la flore intestinale devient la cible d’une attaque du système immunitaire.

Le rôle pivot de la cytokine IL-23 et la réponse des cellules Th17 dans l’inflammation intestinale

L’un des composants du système immunitaire joue un rôle pivot dans le processus qui conduit à l’apparition des maladies inflammatoires de l’intestin: il s’agit de la cytokine IL-23. L’équipe de Fiona Powrie a montré que cette cytokine agissait directement sur les cellules T et favorisait les réponses pathologiques de type Th17 aux dépens de la formation des cellules T régulatrices et immunosuppressives. En outre, IL-23 active une nouvelle population de cellules lymphoïdes innées, qui intervient dans la colite par l’intermédiaire de la production de cytokines associées à des Th17. Comme les cellules Th17, ces cellules lymphoïdes innées dépendent du facteur de transcription RORt, ce qui indique qu’il existe un frappant parallélisme entre le fonctionnement des populations de cellules lymphoïdes innées et adaptatives dans l’intestin. Ces résultats mettent en évidence les activités multiples de IL-23 qui intervient dans les réponses inflammatoires des tissus. Une meilleure compréhension de ces mécanismes pourrait conduire à de nouveaux traitements des maladies inflammatoires de l’intestin.

La flore fécale

Outre les changements qui affectent le système immunitaire intestinal, la composition des micro-organismes présents dans les matières fécales subit elle aussi des déséquilibres lors des maladies inflammatoires chroniques intestinales. De récentes études suggèrent que des espèces particulières de bactéries façonnent la réponse immune dans différentes directions. Par exemple, un membre du groupe des Clostridium gram-positif induit l’accumulation de Th17, alors que d’autres membres de ce groupe induisent l’expression de IL-10, ce qui favorise une réponse contrôlée du système immunitaire.

Fiona Powrie et ses collègues vont poursuivre l’étude des interactions entre le système immunitaire et les bactéries intestinales. Ils vont notamment chercher à comprendre comment la flore commensale peut favoriser la tolérance du système immunitaire et comment on pourrait exploiter ce processus afin d’améliorer les traitements des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

Fig. 1 

Les effecteurs du système immunitaire qui conduisent à l’inflammation de l’intestin sont conservés au travers des leukocytes innés et adaptatifs. Ils peuvent être contrôlés par des cellules T régulatrices. (Adapté d’un article de Maloy K.J. et Powrie F. Intestinal homeostasis and its breakdown in inflammatory bowel disease, dans Nature (2011) 474 :298-306. Avec autorisation).

Fiona Powrie FRS

Sidney Truelove Professor of Gastroenterology
Translational Gastroenterology Unit

Experimental Medicine Division
Nuffield Department of Medicine

John Radcliffe Hospital
Headley Way, Headington
Oxford OX3 9DU (UK)

Tél.+44 (0)1865 222 909 (direct)
Tél.+44 (0)1865 220 137 (assistante)


http://www.ndm.ox.ac.uk/principal-investigators/researcher/fiona-powrie
http://www.expmedndm.ox.ac.uk/powrie-mucosal-immunology-group